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Rendre la vie agréable aux patients malgré leurs restrictions alimentaires

Andréane Bernier est nutritionniste au CHUM. Mais pas n’importe quel nutritionniste!

Elle s’occupe de patients atteints de maladies métaboliques. Il s’agit de maladies génétiques orphelines qui nécessitent un régime alimentaire particulier et personnalisé à chaque patient. Ne pas le suivre peut avoir des conséquences fatales, car ces maladies doivent être contrôlées. C’est dire à quel point son rôle est essentiel pour ces patients !

L’organisme des personnes atteintes éprouve de la difficulté à assimiler des nutriments tels que les protéines, certains acides aminés, les lipides ou les glucides, présents à peu près partout, et à différents niveaux dans notre alimentation.

Imaginez, par exemple, que votre corps ne soit plus en mesure d’absorber ou de digérer adéquatement la viande, le poisson, les œufs, les noix et les légumineuses qui sont des sources de protéines essentielles au fonctionnement du corps. Comment avoir une alimentation équilibrée sans protéines ? Comment trouver la limite entre la quantité idéale de protéines et un trop-plein qui peut entraîner des symptômes souvent très graves ?

C’est là que la créativité et un travail d’équipe étroit avec le médecin généticien et l’infirmière se mettent à l’œuvre. La recette pour tous n’existe pas, il faut concevoir un menu unique pour chaque patient !

« On joue avec les aliments, explique-t-elle. Manger, c’est au moins trois fois par jour, toute notre vie. Et ce n’est pas juste pour se nourrir, mais pour le plaisir aussi. Puis c’est un acte social. La nutrition, c’est beaucoup plus large que de faire le plein d’énergie et de réserves musculaires. Pour ces patients, aller souper chez des amis ou aller au restaurant, ce n’est pas évident. Il faut faire attention à tout ! »

Sans oublier, qu’en tant que nutritionniste aussi spécialisée, il est important de demeurer à l’affût des modes et des tendances culinaires : le fameux Poke Bowl, peut-on le reconstituer, sans protéines et en conservant les saveurs ?

Un dépistage en amélioration, une spécialité en croissance

«J’ai rencontré une patiente qui s’est fait dire toute sa vie qu’elle pourrait se forcer un peu. Elle se faisait traiter de paresseuse. Elle était souvent fatiguée et avait régulièrement des douleurs musculaires. Lorsqu’on l’a diagnostiquée, elle a eu un grand soulagement. Elle a pu enfin mettre un mot sur ce qu’elle avait, et surtout, en modifiant son alimentation, sa vie a changé.»

Une dizaine de nutritionnistes spécialisées en maladies métaboliques héréditaires œuvrent à l’échelle de la province. Leur nombre pourrait augmenter dans les décennies à venir, car le dépistage s’améliore et les maladies sont mieux contrôlées ce qui a fait descendre le taux de mortalité au plus bas.

Le CHUM accueille plusieurs nouveaux patients chaque année qui s’ajoutent à la cohorte existante.

Une histoire de pot de fromage à la crème

Quand on demande à Andréane Bernier pourquoi elle est devenue nutritionniste, elle répond en riant : « Un pot de fromage à la crème ! »

Elle envisageait des études en pharmacie, mais comme le programme est très contingenté, elle devait prévoir un plan B. Un matin, en lisant l’étiquette du pot de fromage à la crème, elle s’est rendu compte que c’était quelque chose qu’elle faisait souvent, instinctivement, c’est là qu’elle a décidé de devenir nutritionniste ! Un très beau plan B qui est rapidement devenu son plan A.

Être proche des patients

Andréane a découvert cette spécialité lorsqu’elle a commencé à travailler à l’Hôpital Saint-Luc en côtoyant une collègue qui s’occupait de ce type de patients. Elle la voyait se promener avec toute sorte de produits étranges (par exemple, des copies d’aliments réguliers faibles en protéines : craquelins, biscuits, pains, pizzas…), des produits que seuls ces nutritionnistes utilisent, mais surtout, elle constatait voyait la relation étroite qu’elle avait avec eux.

« Quand ma collègue a pris sa retraite, elle côtoyait certains patients depuis 20 ans en raison de plusieurs rencontres annuelles. Elle a eu des câlins, les patients pleuraient, ils l’invitaient à leur chalet. C’est vraiment beau de voir le lien qu’on est capable d’établir. Manger, c’est intime. C’est propre à chacun et nous on entre dans cette petite partie de vie. »

De par leur condition, ces patients sont donc suivis à vie. Au-delà du régime alimentaire, il s’agit d’un accompagnement à chaque événement qui peut engendrer un stress métabolique : grossesse, déménagement, chirurgie, gastro-entérite ou même un simple rhume. Andréane rencontre ses patients d’une fois par semaine — pour les femmes enceintes — à une ou deux fois par année.

Une spécialité de CHU

Ces patients constituent des cas complexes, c’est la raison pour laquelle ils sont traités dans un établissement comme le CHUM.

« C’est très stimulant de travailler dans un milieu de pointe et d’avoir des spécialistes qui sont au top de leur domaine. On a aussi la possibilité de pousser plus loin, avec la recherche, l’option est là. »