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Le CHUM en histoires

La meilleure année de ma vie!

Il ne reste que quelques jours avant la fin de l’année. Déjà 10 mois se sont écoulés depuis l’annonce du confinement de la province face au coronavirus. La lassitude se lit sur plusieurs visages. Dans les médias sociaux, #Vivement2021 prend de l’ampleur. Pourtant, c’est avec un grand sourire qu’Etuwa Loliya parle de 2020 : « C’est la meilleure année de ma vie! » L’année avait cependant fort mal débuté…

« Mes enfants, c’est toute ma vie »

Etuwa Loliya est partie du Québec pour vivre en France avec son conjoint il y a 5 ans. En juin 2020, elle décide de mettre fin à des années de sévices pour rentrer au bercail. À ses côtés, une fillette de 6 ans et un garçon de 3 ans, pour qui elle souhaite un avenir meilleur. Dans son ventre, une petite fille qui doit naître en novembre.

Une amie l’héberge à son arrivée à Montréal. Mais une semaine plus tard, un peu avant minuit, le conjoint de son amie la met à la porte. Conjuguer travail de nuit et enfants d’une étrangère, pense Etuwa Loliya, ont peut-être mené à cette décision intempestive. Peu lui importe maintenant, elle a pardonné.

Mais où aller en pleine nuit avec ses deux enfants et sa bedaine? Déroutée, elle finit par dormir dans un parc. Au matin, une dame pleine de compassion l’aborde et l’emmène chez elle. De là, Etuwa Loliya appelle différentes ressources communautaires pour trouver une solution.

Une de ces ressources alerte la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). Cette dernière vient la chercher pour la questionner. Elle leur raconte son histoire et insiste sur le fait que ses enfants n’ont jamais été maltraités. Mais, comme sa situation est très précaire, la DPJ lui annonce que ses enfants doivent être logés dans une famille d’accueil. Elle est désespérée : « Mes enfants, leur dit‑elle, c’est toute ma vie, je n’ai besoin que de stabilité ».

Avant que le placement de ses enfants en famille d’accueil ne se concrétise, on la conduit au CHUM pour un test de dépistage de la COVID‑19, qui s’avérera négatif fort heureusement. C’est là qu’elle rencontre Karina‑Alexandra Lavandier. Cette travailleuse sociale du centre des naissances du CHUM fera partie des gens pour qui Etuwa Loliya aura de tendres pensées pour les festivités de fin d’année.

De la précarité à la stabilité

En sortant de son test de dépistage, la travailleuse sociale de la DPJ lui explique qu’on a pu lui trouver un gite temporaire, dans un hôtel‑appartement. Quel soulagement pour Etuwa Loliya! « J’avais tellement peur de faire une fausse couche, avec tout ce stress… »

Deux semaines plus tard, elle déménage de nouveau, cette fois-ci pour un centre d’hébergement. « Mon lit était aussi petit qu’un lit de prison, raconte-t-elle en souriant, mais ça a forgé mon caractère. » Oui, en souriant : Etuwa Loliya est surprenante de résilience. Elle avoue avoir pleuré à chaudes larmes pendant de longues nuits. Mais chaque matin, elle se lève en disant que ça va mieux aller bientôt.

Commencent ensuite les démarches pour trouver un logement plus permanent. Elle va à ses rendez‑vous en métro avec la famille. « J’étais épuisée, mais je faisais ça pour les enfants », explique‑t‑elle lorsqu’on souligne son courage. Très croyante, Etuwa Loliya prie et espère que la situation se réglera rapidement.

Un jour, enfin, ça y est : elle est acceptée dans une coopérative d’habitation. Elle emménage le jour même où elle reçoit son soutien financier. Ta foi a été entendue – sur un miroir de la chambre, cette phrase griffonnée par un inconnu lui confirme qu’elle avait raison d’avoir confiance.

Grâce aux différentes ressources auxquelles elle a pu avoir accès, le soleil revient dans la vie d’Etuwa Loliya. Elle n’a que de bons mots pour ceux qui l’ont aidée : Karina‑Alexandra Lavandier, sa travailleuse sociale du CHUM; Denise Landry et Gina Nianda, de la Fondation de la Visite; et Claude Shupenga, du Centre international de l’espoir, qui lui a obtenu des fournitures pour son bébé et des cartes-cadeaux pour ses enfants. Elle tient aussi à remercier la personne qui a alerté la DPJ, laquelle a joué un rôle important et positif dans sa mésaventure.

Etuwa Loliya ambitionne de retourner aux études quand la plus petite aura grandi un peu. Non sans fierté, elle conclut son récit avec des mots qui font réfléchir : « Oui, je veux qu’on parle de mon histoire, pour donner confiance aux femmes. Les femmes souffrent beaucoup – mais on est des guerrières. »

Un Noël pas comme les autres

Depuis une quinzaine d’années, à l’approche des fêtes, le Service de bénévolat, d’animation et de loisirs du CHUM organise, en collaboration avec la Fondation du CHUM, une collecte de fonds auprès de la communauté de l’établissement. Les équipes sont invitées à parrainer des patients dans le besoin. C’est là que les TS (abréviation pour travailleuse ou travailleur social), dont Karina-Alexandra Lavandier, chargée du dossier d’Etuwa Loliya au CHUM, entrent en action.

Les TS – ils sont près de 70 au CHUM – ciblent les gens à qui un don pourrait le plus bénéficier. Ils discutent avec les patients de ce qui pourrait être le plus utile pour eux. Les équipes en sont ensuite informées et elles préparent un panier de Noël qui fera sourire… ou verser une larme. Cette année, pandémie oblige, les paniers ont été remplacés par des cartes‑cadeaux. 46 personnes ont ainsi obtenu, de la part d’une trentaine d’équipes, un coup de pouce qui ajoute un peu de magie aux fêtes.

Etuwa Loliya était très heureuse de recevoir son cadeau d’une équipe du CHUM, celle du Bureau de la valorisation et des ententes de recherche. « J’ai rempli le frigo pour les enfants, dit-elle avec reconnaissance, on va bien fêter à Noël! ». Pour Karina-Alexandra Lavandier, proposer la jeune maman allait de soi : « C’est une mère extraordinaire qui a vécu beaucoup de sévices familiaux et qui ne veut pas que ses enfants vivent cela. Elle a accouché en novembre de son troisième enfant; on voulait qu’elle ait un beau Noël – et, surtout, on souhaitait que ses enfants sachent que ça irait mieux. »

Noël sans faim : un bonbon pour les TS!

Simon Archambault est travailleur social et chef du service social au CHUM. Chaque jour, sa grande équipe accompagne des patients pour leur offrir un filet de sécurité lors de leur congé de l’hôpital, selon les besoins. Organiser l’aide à domicile, défendre les droits des usagers, trouver des ressources d’aide et de soutien ne sont que quelques exemples d’accompagnement offert par son service. Les TS viennent en aide aux usagers et à leurs proches aux prises avec des problèmes émotionnels, familiaux et sociaux, en plus de la maladie.

Chaque année, les membres de son équipe ont hâte de collaborer au programme Noël sans faim. En plus de repérer des patients pour qui un panier peut faire la différence, ils en parrainent eux aussi, et avec générosité! Pour les TS, explique Simon Archambault, voir la lumière dans les yeux d’une personne qui reçoit son cadeau, entendre merci 1000 fois, c’est comme du bonbon.

« Le service social, précise Simon Archambault, c’est un panier de services à l’année. On fait notre travail pour humaniser les services et redonner espoir aux gens. Noël sans faim met de la couleur dans la vie de ces patients ». Un panier de Noël ne règle pas les problèmes d’isolement ou de pauvreté sur le long terme, ajoute‑t‑il, mais au moins, il y aura eu un peu de la magie de Noël dans le cœur de ces patients.