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Donner la vie à son enfant, une deuxième fois

Peu après la naissance de son deuxième enfant, Sarah Tessier est convaincue que son fils a plus qu’une jaunisse et n’hésite pas à insister auprès de son pédiatre afin de pousser l’investigation. Après plusieurs tests, on détecte chez le poupon une maladie relativement rare, qui touche un sur 10 000 à 20 000 enfants, soit l’atrésie des voies biliaires.

Le canal biliaire, qui relie le foie à l’intestin, est endommagé et empêche un écoulement adéquat de la bile. Si rien n’est fait, la fonction biliaire est compromise et l’espérance de vie pourrait être que de deux ans. Ce diagnostic est un choc pour les parents du petit Jack. Malgré tout, Sarah et son conjoint, Jayson, gardent espoir puisque une opération appelée Kasaï, augmente les chances de survie du bébé. Cette procédure permet de remplacer le système de drainage de la bile en connectant le foie directement à l’intestin grêle. Jack subit cette opération à 5 semaines mais peu après, les spécialistes constatent que l’écoulement biliaire est toujours problématique.

L’ultime solution devient évidente, soit une greffe de foie. Ainsi, âgé d’à peine quelques mois, Jack est inscrit sur la liste d’attente. Cependant, l’obstacle pour un petit garçon comme Jack, c’est le manque de donneurs décédés compatibles. Lorsqu’on explique à Sarah qu’une greffe de don vivant pourrait sauver la vie de son enfant, elle n’hésite pas un instant : « offrir une partie de mon foie à mon fils était tout naturel pour moi », résume-t-elle. Il faudra cependant plus d’un an avant que cette délicate opération ait lieu.

Une mère en mission
Le foie de la mère est préconisé, puisque celui-ci devrait être plus petit que celui du père. Toutefois, Jack doit encore grandir afin que son corps puisse accepter une partie de l’organe de sa mère. Jack est suivi de près au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine. Pendant ce temps, Sarah multiplie les démarches et les recherches pour atteindre son objectif, soit de donner la vie une deuxième fois à son fils.

Avec sa formation en recherche, la sexologue a comme premier réflexe de lire sur le sujet en s’assurant de consulter des sources fiables, comme des écrits scientifiques. Rapidement, elle constate la complexité du domaine de la transplantation hépatique. Après tout, elle a une grande confiance en l’hépatologue de son fils, Dr Massimiliano Paganelli, du Centre hospitalier universitaire Saint-Justine (CHUSJ) et décide de lui poser directement toutes ses questions et de s’en remettre à son expertise.

Sans hésiter, Sarah entame parallèlement les démarches au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) afin de devenir candidate au don d’organe vivant. Elle rencontre Dr André Roy, chirurgien hépatobiliaire, en qui elle reconnaît rapidement la grande compétence.

C’est d’ailleurs au CHUM qu’a eu lieu la toute première greffe hépatique au Canada en 1969 et la première à partir d’un donneur vivant en 2004.

Sarah est sensibilisée aux étapes cruciales avant de procéder à la greffe, mais les spécialistes pédiatriques de leur côté lui font comprendre que l’état de santé du petit Jack est une véritable bombe à retardement! « Mon attitude est : faut que ça bouge! Parce qu’il est question de mon fils, et non de moi, je me permets de mettre de la pression sur les équipes médicales pour procéder à la transplantation », relate Sarah Tessier.

Deux hôpitaux synchronisés
Au matin du 15 février 2018, les équipes du CHUM et du CHUSJ sont en place. Dr André Roy, Dr Michel Lallier, chirurgien pédiatrique hépatobiliaire et rénal du CHUSJ et toute l’équipe spécialisée en transplantation procèdent pendant plusieurs heures à l’opération qui vise à prélever 25 % du foie de Sarah. C’est Dr Lallier qui accompagne ensuite l’organe à bord d’un véhicule de police entre le nouvel hôpital du centre-ville et le CHUSJ et qui dirigera la suite de l’intervention. Dans la salle d’opération de l’hôpital pour enfants, l’équipe et le petit Jack, maintenant âgé de 15 mois, sont prêts. Le petit foie malade est retiré et remplacé par la portion du foie sain de la mère. La suite est déjà planifiée : le petit Jack restera un mois à l’hôpital et sa mère, trois jours aux soins intensifs avant de poursuivre sa convalescence quelques jours à l’unité de soins de transplantation.

Ayant subi deux césariennes, Sarah ne craignait pas l’opération ni la douleur post-opératoire.

Le plus difficile a plutôt été de rester cloitrée dans un lit, impuissante, sans pouvoir aller au chevet de Jack.

Sarah Tessier

Patiente au CHUM

C’est son conjoint et sa famille qui font la navette entre les deux hôpitaux qui lui rapportent l’évolution du petit Jack. Ce dernier prend rapidement des forces. Quelques semaines plus tard, toute la famille est réunie de nouveau. Les suivis se poursuivent pour la mère et le fils dans les deux hôpitaux universitaires respectifs. L’espoir de voir Jack grandir en santé se concrétise un peu plus chaque jour.

Sarah a tenu à partager cette histoire avec le CHUM et les médias, car pour elle, la sensibilisation au don d’organes demeure une des clés pour une meilleure santé chez de nombreux enfants et adultes.

Liens :

Dr André Roy
Dr André Roy
Dr Michel Lallier et Dr André Roy
Dr Michel Lallier et Dr André Roy
Lors d'une transplantation, toutes les secondes comptent et la collaboration entre les hôpitaux est essentielle pour réussir ce type d'intervention.
Infirmière